Kinématoscope

La seule biographie filmée de Voltaire (les autres films que traitent qu'un épisode ou emploient Voltaire comme élément de couleur locale ou comme argument idéologique) est divisée en 6 épisodes :
-Le scandale et le bâton (1694-1726)
-Le contrebandier de la liberté (1726-1736)
-Émilie contre Frédéric (1726-1749)
-Les orages de Prusse (1749-1756)
-Le supplicié de Toulouse (1756-1762)
-Mourir à Paris! (1762-1778)
Le film est construit selon trois niveaux de narration juxtaposés et qui se contredisent.
Au niveau 0, les épisodes de la vie de Voltaire sont donnés comme en direct, sans médiation subjective. L’impression est renforcée par les effets pittoresquement réalistes, preuves qu’on ne nous ment pas. Mais ce niveau est doublement glosé. Au niveau 1, intervient le commentaire de Voltaire vieux, fabricateur pour la postérité de sa propre statue (travail dont celui de Houdon offre simultanément une métaphore). Au niveau 2, s’ajoute le commentaire de Beaumarchais, l’éditeur de Kehl promu premier biographe pour les besoins du scénario, qui contredit le précédent commentaire, en soulignant les mesquineries, la mauvaise foi ou les illusions du grand homme.
Cette structure assez habile, qui permet de couper la linéarité du récit biographique, est à la fois une célébration des clichés de l’histoire littéraire et une démythification du grand homme. Mais cette démythification reste un hommage, puisqu’on applique à la vie de Voltaire la méthode que celui-ci applique à l’histoire du règne de Louis XIV (méthode expliquée par Voltaire lui-même dans une autre scène du même épisode). On rejoint ainsi le propos déclaré de la biographie de Jean Orieux : il s’agit d’établir une vérité biographique contre les sottes fables des ennemis malintentionnés, mais surtout contre Voltaire lui-même, en le présentant comme un homme qui ne manque ni de faiblesses ni de roueries : « ce serait lui faire injure que d’être myope même envers ses défauts ».
[D.R.]