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Film
Identification
TitreL'Esquive
Réalisateur(s)
Date2003
Adaptation
Auteur(s) de l'oeuvre adaptée
Œuvre(s)
Représentation
CatégorieXVIIIe
EpoqueXVIIIe
Générique technique
ScénarioAbdellatif Kechiche et Ghalia Lacroix
Longueur / Durée du film1h57'
Société de productionLola Films/Noé Productions
Pays de productionFrance
Générique artistique
Acteur(s)
Réception et documentation
Articles de presseJean-Philippe Tessé, "Cité dans le texte", Cahiers du cinéma n°586, janvier 2004, p. 52-53.
Résumé et commentaire critique
Résumé et commentaire critique
"J'ai trop pâti d'avoir manqué de votre présence, et j'ai cru que vous esquiviez la mienne" (Arlequin, acte III, sc. 6). NB: le substantif "esquive" n'existait pas à l'époque de Marivaux.

Le film comporte six séquences consacrées à différentes scènes du Jeu de l’amour et du hasard, de Marivaux.
1. (extérieur; 13'41" à 22'42") : acte II, sc. 5-6
2. (salle de classe; 24'53 à 30'29") : acte II, sc. 5
3. (classe; 50'10" à 53'23") : acte II, sc. 3
4. (extérieur) acte III, sc. 6
5. (classe; 1h06'46" à 1h11'43") : acte III, sc. 6
6. (salle de spectacle; 1h49'57" à 1h54'37") : acte I, sc. 1; acte I, sc. 7; acte II, sc. 3; acte III, sc. 9
Les trois espaces dans lesquels la pièce de Marivaux est jouée sont l’amphithéâtre extérieur, la salle de classe et le gymnase transformé en salle de spectacle. Ils accueillent trois niveaux différents de rapport au texte ; la répétition entre acteurs devant un public choisi, le rendu devant le professeur et la classe, la représentation devant les habitants. Cette structuration entraîne des effets d’échos, un même passage du texte pouvant être retrouvé à des niveaux de jeu différents. Exemples : scène 5 de l’acte II répétée dans la séquence I et montrée dans la séquence II; scène 6 de l’acte III. Apparaissent ainsi les progrès accomplis, le transfert de la dimension privée à la présentation publique mais aussi des passages de relais. Ainsi Lydia est meneur de jeu devant ses camarades mais elle s’incline quand son professeur annule ses idées de mise en scène (le lustre, seq. IV et V). De même, la scène 3 de l’acte II qui a servi de support aux débuts scéniques de Krimo est montrée une seconde fois, interprétée, lors du spectacle, par Rachid, le spectateur étant invité à comparer les deux performances. En dehors de ces séquences bien délimitées, la pièce de Marivaux est montrée plus fugitivement ailleurs. Elle apparaît dans quelques plans sous la forme du livre que Krimo manipule pendant ses répétitions solitaires ou celui que Frida oublie (refuse ?) de donner aux policiers. Et l’on voit aussi Frida apprendre seule la scène 9 de l’acte II avant d’être interrompue par son téléphone. La pièce est donc omniprésente et structure le film en lui donnant son épaisseur temporelle.
Discours explicite sur Marivaux:
Pour certains garçons, Marivaux est étrange, d’un autre temps. Pour Krimo, la difficulté est linguistique car les phrases sont difficiles à saisir et à mémoriser. Le professeur est garant du discours scientifique, contrepoint du discours impressif, et sait ce que Marivaux a voulu dire. L’explication qu’elle en donne adopte une voie scolaire ; le questionnement sur la scène 5 de l’acte I renvoie à des analyses connues : la déficience d’action et le sentiment comme moteur de la dynamique théâtrale ont été soulignés dès le XVIIIe siècle. La scène choisie est en revanche inattendue puisqu’elle montre l’élaboration d’un stratagème et donc d’un élément d’intrigue. L’autre commentaire accompagne la direction d’acteurs. Il insiste sur la caractérisation du personnage d’Arlequin, son entrain, sa gaieté. Mais il définit surtout le sens supposé de la pièce. Trois idées importantes sont énoncées : a) on est prisonnier de sa condition sociale; b) il n’y a pas de hasard car on se reconnaît et on tombe amoureux de son homologue malgré les déguisements; c) il n’y a pas d’amour car l’amour est pur, il concerne l’individu et non ce qu’il y a autour. Il s’agit en fait d’une interprétation de l’enseignante qui dépasse le cadre marivaudien. En effet, s’établit un raccourci entre la condition sociale et la richesse (les "riches et les pauvres", dit-elle, alors que les jeunes lui proposent "bourges"). Or, justement le théâtre de Marivaux montre que la question de l’argent n’est jamais un problème. Les chevaliers qu’on y voit sont souvent désargentés mais peuvent prétendre à des mariages avec des jeunes filles fortunées. Le préjugé à vaincre concerne en réalité les liens sociaux : certains sont perméables (nobles/bourgeois ), d’autres étanches (valets /maîtres). La question de la classe sociale est donc transposée à un autre type de démarcation que les élèves peuvent sans doute mieux appréhender. En outre, l’idée qu’il n’y a pas d’amour n’est pas juste non plus surtout dans cette pièce : Dorante va jusqu’au bout de son amour, au point de proposer le mariage à celle qu’il prend pour une soubrette. Certes, les personnages se reconnaissent socialement mais ils ne font que rétablir, après une saturnale qui n’a pas inquiété le spectateur mis au courant précocement, les codes sociaux et théâtraux de l’époque. Car si le théâtre est miroir de la société, il est avant tout convention. Le discours d’expert sur Marivaux procède donc d’une réorientation car la pièce est interrogée à partir d’aujourd’hui. La question n’est pas au fond ce que dit Marivaux mais ce qu’il pourrait dire à des jeunes de notre époque.
Discours implicite :
Le discours implicite naît de choix et de partis-pris de mise en scène. Ainsi, la majorité des scènes choisies concernent Lisette et Arlequin. C’est une conséquence de la hiérarchie des personnages à l’intérieur de la fiction. Mais, au-delà, la pièce est lue par le prisme du rêve d’ascension sociale des valets, qui renvoie à celui des jeunes de la cité. Autre discours implicite, celui qui réfère à la poupée gigogne marivaudienne ; un personnage 1 joue un personnage 2. Or, l’échec de Krimo va mettre au jour une autre poupée gigogne, celle qui fait s’emboîter l’acteur et le personnage 1. Le discours de l’enseignante est à cet égard révélateur : il exhibe justement la difficulté de Krimo à devenir autre, à aller vers un autre langage. Cela provoque alors une situation typiquement marivaudienne : l’ironie dramatique. Lorsque le professeur s’exclame: "embrasse-la, elle est belle", des plans sur Nanou et un camarade de Krimo soulignent que la structure du double registre fonctionne à plein. Des spectateurs avertis, images des spectateurs que nous sommes, décodent que la phrase prononcée renvoie à la fois à la vie et au théâtre.
Il y a donc dans le discours implicite une plus grande vérité que dans le discours explicite. Marivaux revient en boomerang quand il n’est pas traité de front Et finalement ce qui se passe entre Krimo et Lydia est proche de ce qui se passe entre Dorante et Silvia. Du coup, on peut lire l’ensemble du film comme une image de la dramaturgie marivaudienne construite dans l’attente de l’émergence de la parole amoureuse. L’intrigue est, comme chez Marivaux, prise en charge par les confidents qui deviennent force agissante et mettent en scène une action qui serait sans eux immobilisée.
Discours référentiel:
Il y a enfin des clins d’œil à Marivaux. Ainsi la question du déguisement. On pourrait s’étonner que Lisette ait la même robe sous ses deux identités. Or, le spectateur attentif aura noté qu’elle porte un tablier au début de la représentation. Cela est tout à fait conforme à ce qu’était la convention de l’échange de vêtements à l’époque. Ainsi, Arlequin gardait son costume. Autre détail intéressant : c'est une jeune fille déguisée qui joue Dorante. Certes, le professeur a sans doute eu du mal à recruter des garçons mais il y a peut-être là référence à d’autres pièces de Marivaux qui reposent sur un déguisement de sexe (La Fausse Suivante par exemple). Enfin, on peut noter la présence d’un autre personnage féminin en robe d’époque qui remplace le père de la pièce. Est-ce une façon subtile de souligner l’importance des mères chez Marivaux (L’École des mères, La Mère confidente) dans un film qui montre un monde de la cité très féminisé (on ne voit ou n’entend que des mères, sauf dans le spectacle final) ?
Enfin, le dénouement fait lui aussi référence à d’autres pièces de Marivaux : l’obstacle qui empêche son accomplissement y est souvent imaginaire. De fait, Magalie a changé d’amoureux au moment opportun. Malgré cela, le dénouement est déceptif comme dans de nombreuses pièces qui s’achèvent par un départ ou une fuite, faute de mieux (La Dispute, La Provinciale, par exemple).
(Catherine Nicolas, 2006, pour Kinémascope)
Localisation des archivesdivers extraits sur YouTube, dont :
"Acte II, scène 5" : "Jurons de nous aimer toujours en dépit de toutes les fautes d'orthographe que vous aurez faites sur mon compte".


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Éditeurs : Delphine Gleizes et Denis Reynaud [UMR IHRIM]

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