Kinématoscope

Sortie: 10/01/1946 (Italie)
Lieux de tournage: Studios Giudecca, Venise

Giorgio Ferroni (qui tourna aussi, après la guerre, sous le pseudonyme de Calvin Jackson Padget) réalisa cette adaptation du dyptique de Hector Malot (avec Ritorno al nido d'après En famille) dans les studios de la Giudecca de Giuseppe Barattolo, l'un des ex-responsables de l'UCI (les studios de Cinevillagio, à Venise, ne furent inaugurés que le 22 février 1944). Il s'agit en effet de l'un des quelques films entrepris sous la République de Salo, à Venise, où les dirigeants du cinéma de la nouvelle "République sociale italienne" de Mussolini, en tête desquels se trouvait Luigi Freddi, s'étaient rendus avec le matériel de Cinecittà (les Allemands, au lendemain de la signature de l'Armistice du maréchal Badoglio avec les Alliés, le 8 septembre 1943, saccagèrent Cinecittà avant d'en réquisitionner le matériel, qui, après diverses péripéties, fut récupéré et dirigé sur Venise). Selon Pio Baldelli ("Rossellini et le cinéma de Salo", Etudes cinématographiques. Fascisme et résistance dans le cinéma italien, Jean A. Gili (dir.), n°82/83, Lettres Modernes-Minard, Paris, 1970): "Les fascistes brandirent à tout vent des programmes cinématographiques formidables, mais ne parvinrent à produire que quelques films de carton-pâte, tissés de rhétorique petite-bourgeoise, d'anecdotes sottement sentimentales et de poses monumentales. Quelques établissements délabrés furent rouverts à Milan et à Turin sans résultat valable. Il n'y a rien à dire de ces oeuvres, deépourvues de sens aussi bien culturel que sociologique. [...] Ce qu'on appelle le cinéma de Salo confirme le vide de la théorie de la praxis du fascisme, aussi bien en ce qui concerne sa position subalterne et servile face aux alliés nazis qu'en ce qui concerne le caractère petit-bourgeois de sa conception: en fait prédominent les films roses, les petites comédies sentimentales, l'ambiance des "téléphones blancs", beaucoup plus que les récits politiques, impériaux et agressifs [...]. Le cinéma de Salo n'existe pas comme organisation industrielle ni comme moment culturel."
Pio Baldelli note que de tous les films mis en chantier pendant cette période, aucun n'était terminé en avril 1945, c'est-à-dire lors de l'offensive finale des Alliés au Nord de l'Italie (capitulation le 5 mai).
L'on notera que par contraste avec le reste de la production de Salo (qui est bien dans la continuité du cinéma fasciste des années 1922-1943: comédies et films historiques, même si les "films d'adaptation" restaient une spécialité italienne), ces adaptations de Malot avaient probablement pour but d'être une vitrine idéologique du régime "social" de Mussolini; l'ampleur de la production montre que ces films devaient être dotés d'un rôle-clef dans la propagande fasciste.
Dans la quasi-absence d'"épuration" italienne (contrairement à la France), Ferroni fut étonnament recruté par les Partisans pour tourner un film sur leurs luttes, Pian delle stelle, en 1946 (prod.: Corpo Volontari della Libertà - CVL): Paolo Gobetti (op.cit., "La résistance dans les films italiens (1945-1955)") note en effet que la carence de cinéastes et de techniciens rendait alors de telles collaborations nécessaires.