Cinéa-Ciné pour tous, n°15, 15 juin 1924, p.29 (critique de Edmond Epardaud): "Il est bien difficile d'exprimer à l'écran certaine littérature où la sensibilité -plutôt la sentimentalité - est presque tout, au mépris d'une intrigue excessivement ténue. Tel est le cas des contes et nouvelles d'Alfred de Musset. M. Théo Bergerat a fort bien compris que pour nous restituer en images l'essentiel de Mimi Pinson, il n'était pas besoin de corser l'histoire, et encore moins de la moderniser. C'eût été, au contraire, la faute impardonnable. Mais il convenait d'extraire du joli sujet romantique toute sa substance sentimentale et de conserver à la mince anecdote toute sa fraîcheur délicieuse. En un mot, il fallait faire du Musset à l'écran. M. Théo Bergerat ne fit pas autre chose. Et c'est pourquoi son film est adorable. [...] De cette aventure si joliment 1830, trois figures se détachent, celles de Mimi, de Frédéric et de Colline.
"Mimi, c'est tout le parfum de cette poésie insouciante et légère, faite de grâce sensible et d'esprit optimiste, que Musset, en vers, et Mürger, en prose, popularisèrent chez nous. Frédéric et Colline participent à ce savoureux et sentimental pittoresque romantique. Figures d'un autre âge, eux aussi, abolies par un siècle de réalisme scientifique et d'indifférence morale, figures de rêve et de candeur que nous découvrons parfois sous les multiples masques que la vie moderne nous impose.
"Pour le trio de types héroïques, M. Théo Bergerat a eu la chance de grouper trois excellents artistes qui ont su être eux-mêmes dans la plus pure tradition mussettiste. Mimi c'est Simone Vaudry, vraie ingénue de conte et de légende, poétique, simple et touchante à souhait avec de délicates nuances d'élégance morale qui nous restituent les parfums de la France d'autrefois.
"Frédéric est bien campé par Gabriel de Gravone dont la composition ne va pas sans un certain conventionnel plus théâtre que cinéma. Mais le gros succès du film doit aller - et est allé en effet - à Armand Bernard qui fut un Colline parfait de naturel, d'esprit, d'émotion aussi.
"Armand Bernard compose en maître ce fantoche ridicule et attendrissant de Colline. Son goût et son intelligente mesure l'arrêtent sur la pente du comique juste au moment où la charge commence. Et c'est très fort!
"La mise en scène de M. Théo Bergerat est remarquable par un continuel souci d'exactitude, de poésie et de rythme.
"Les intérieurs sont de charmants cadres bien adaptés à l'action et aux personnages, sans excessive désuétude. Mais j'ai surtout apprécié les savoureux coins du vieux Paris que M. Théo Bergerat a animés pour la circonstance d'une vie aimable et souriante. La photographie a un fondu, une grâce, un équilibre où nous retrouvons toutes les qualités des gravures anciennes.
"Edité par Aubert qui, en cette quinzaine stérile, maintient le prestige du film français, Mimi Pinson plaira au grand public et aux délicats, si l'on est sûr que ce n'est pas la même chose."
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