Kinématoscope

"Out 1 garde la trace du dernier projet commun de Rivette et Jean Gruault interrompu par mai 68 : il s'agissait, en 1967, sur une idée de Georges de Beauregard, d' "adapter" les Confessions de Rousseau, sous la forme de flash-backs repartant de ses dernières œuvres (Rousseau juge de Jean-Jacques, Les Rêveries du promeneur solitaire). Jean-Pierre Léaud aurait interprété le Jean-Jacques des années de jeunesse, et Charles Denner celui des derniers textes. Avant d'être une adaptation balzacienne, Out 1 est une expérience rousseauiste : Rivette sélectionne un groupe d'acteurs, les plonge dans une liberté telle que même le premier homme l'ignora, et nous rend attentifs à la communauté qui pourrait en surgir. D'un côté une troupe, et même deux, tentent de braver "la première maxime de la politique moderne" – "il faut tenir les sujets épars" (1) – en créant une communauté provisoire. Ensemble ils réinventent "l'art des pantomimes" (2) qui fut, d'après Rousseau, notre premier lien social. En dehors de la troupe, Colin, un individu solitaire, joue au sourd-muet : parce que "la langue du geste […] est plus facile et dépend moins des conventions" (3) que celle de la voix. […] Tel Rousseau dans ses Confessions, Rivette, dans Out 1, "forme une entreprise qui n'eut jamais d'exemple et dont l'exécution n'aura point d'imitateur" (4)."

(1) Essai sur l'origine des langues, chap. XX, Nizet, 1986, p. 199. (2) Ibid., chap. I, p. 31 (3) Ibid., p. 29. (4) Les Confessions, livre I, Garnier-Flammarion, 1968, p. 43.

(Hélène Frappat, Jacques Rivette, secret compris, éd. Cahiers du cinéma, 2001, p. 138-139)