Kinématoscope

"Mesurons toute l'étendue du danger. Un comité américain chargé de recueillir parmi les œuvres cinématographiques celles qui lui paraissent constituer un enseignement moral scientifique pour la jeunesse studieuse, a donné il y a deux mois un avis favorable à l'achat du film Passion pour servir à l'enseignement par l'image de la Révolution française dans les écoles américaines! Ceci est un comble! Et le fait est parfaitement authentique. Voyez-vous les écoliers apprenant l'histoire de France par un film boche, grotesque et du plus mauvais goût, à tendance nettement francophobe et qui fourmille d'anachronismes aussi ridicules qu'odieux?" (H. Roussell, 1921, cité par G. Sadoul). Interdit en décembre 1922 par la "Chambre bleu horizon" (Sadoul, 30). Sous le titre Passion, le film fut le premier succès du cinéma allemand aux Etats-Unis, où Lubitsch et Negri furent bientôt appelés.

Dans ce "drame en sept actes", le dernier quart d'heure est marqué par une extraordinaire accélération de l'histoire. Le même jour voit Louis XV terrassé par une petite vérole foudroyante au cours d'une partie de colin-maillard; Jeanne chassée par Choiseul ("Vous ne savez pas qui je suis! — Je sais qui vous étiez"); la Bastille prise (grâce à Armand, pour délivrer son ami le cordonnier Paillet - l'idée est peut-être inspirée par un épisode d'Ange Pitou -) et les Tuileries dans la foulée. "Quelques jours plus tard", Jeanne est arrêtée, condamnée par le tribunal révolutionnaire (dirigé par Armand) et guillotinée. Elle se débat jusqu'au bout et le dernier plan s'attarde sur son visage enfin apaisé, après que le bourreau a jeté sa tête dans la foule.
Sans être antipathique (les vrais méchants sont Choiseul et sa sœur), le personnage de la Dubarry n'est racheté par aucune vertu de générosité ou de courage; le vrai héros de l'histoire, le seul à être déchiré par des cas de conscience, est Armand de Foix, l'étudiant libertin devenu lieutenant des gardes puis chef révolutionnaire, qui finit par se sacrifier en vain pour la petite modiste qui l'a abandonné successivement pour l'ambassadeur d'Espagne, le comte Dubarry et le roi.
Fred Orbing a également contribué au scénario du Casanova de Volkoff (1927) et de Revolutionshochzeit (1928)
[DR]