Cinéa
1923/12/01 (n°2), p. 27-28
GENEVIÈVE
par LÉON POIRIER
Le pendant littéraire que Lamartine donna à Jocelyn devait inspirer à l'art cinégraphique quelques éblouissantes et attendrissantes images. Geneviève, réalisé par Léon Poirier, réédite le coup d'aile de Jocelyn. C'est pétri de la même essence, de la même sensibilité et du même goût. Et l'on pleurera sur les charmants malheurs de la jolie paysanne Geneviève qui, orpheline sacrifie le grand amour de son coeur à sa petite soeur Josette.
Je ne conterai pas l'histoire,si peu romantique et si simple en somme, que tout le monde a lue et savourée. En la transcrivant à l'écran, Léon Poirier a montré une fois de plus quel était son respect des beaux textes littéraires. L'adaptation de Geneviève comme celle de Jocelyn ne cesse jamais d'être lamartinienne, c'est-à-dire qu'elle exhale le sentiment vrai et le parfum véridique que le poète des Méditations donna à cette double création de son génie.
Mais Poirier ne semble pas esclave de sa piété. Chez lui l'authenticité n'est jamais contrainte ou effort. Et il est tout à fait remarquable que son art reste essentiellement cinégraphique en conservant la pureté de l'oeuvre originelle.
Ses illustrations du roman de Lamartine constituent les plus savoureux tableaux d'archaïque vertu et de simple lyrisme. On aimera les scènes qui rapprochent Cyprien, le jeune colporteur des routes dauphinoises et la tendre, l'héroïque Geneviève. Nos temps modernes n'ont plus l'habitude de pareilles idylles. Sorties des marges parfois poussiéreuses du livre elles revivent à l'écran en leur grâce première. Elles semblent ressusciter en nos coeurs très vieux de très lointains souvenirs.
On aimera encore les scènes déchirantes,la longue vie de sacrifice qui suivit pour Geneviève la mort de sa Josette chérie. Il y a là des coins d'un pathétisme intense qui dépassent le tragique plus conventionnel de Jocelyn.
L'interprétation est digne de la réalisation. Trois artistes en assurent l'harmonie. Myrga est une adorable Geneviève qui fait parfois oublier Laurence. Douloureuse et résignée elle émeut aux larmes. Son succès est partagé par la jeune et souriante Dolly Davies, une Josette très attendrissante et par M. Tommy Bourdel qui est un Cyprien du meilleur style romantique.
Ed. E.
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