De nos jours le livre est un objet accessible. Produit à plusieurs millions d’exemplaires chaque année, il se vend parfois à petit prix. Qui veut lire peut se procurer aisément un livre. Mais ce qui relève de l’évidence au XXIe siècle semblait encore impensable au XVIIIe siècle. Car si l’alphabétisation se développe alors, et avec elle la production imprimée, posséder des livres demeure, au siècle des Lumières, l’apanage des classes supérieures éclairées. La noblesse aime s’entourer de livres en tout genre. Au cinéma notamment, les représentations ne manquent pas, qui réinvestissent le lieu commun d’une aristocratie détentrice des savoirs et du bel esprit. Les hommes et les femmes de la haute société se doivent de posséder quelques-uns de ces ouvrages qui renferment les secrets des discussions de salon les plus raffinées. Ainsi, si la lecture est devenue un acte solitaire et silencieux, le livre doit s’exhiber, se mettre en scène, se manifester comme preuve de la culture de son propriétaire. Est-il pour autant lu ? Le cinéma, comme la peinture, s’attache plutôt à en faire un élément de décor. Multiplié dans une bibliothèque foisonnante, il témoigne d’un esprit particulièrement instruit. Mais il peut simplement être posé sur un bureau ou un secrétaire. Quoique fermé, il laisse supposer que son détenteur l’a ouvert pour en extraire quelque substance. Pour peu que ce même détenteur soit alors en train d’écrire, plume à la main, on assiste à une sorte de mise en abyme de l’acte d’écriture. Le livre inspire. Il laisse parfois le lecteur pensif, les yeux levés sur un horizon qui résoudra les mystères les plus grands (Les Derniers jours d’Emmanuel Kant). Lecture et méditation se conjuguent alors. Et si le livre doit effectivement être lu, c’est à haute voix et en présence d’autrui. En définitive le livre demeure au XVIIIe siècle un objet onéreux réservé aux élites. Les représentations cinématographiques du livre au XVIIIe siècle semblent donc fidèles aux usages de l’époque. Seul l’historien du livre, ou le bibliophile averti, se laissera surprendre par la présence d’un livre à la couverture bleu ciel dans un film situé pendant la Révolution française (Don't Lose Your Head).
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