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Film
Identification
TitreLes Adieux à la reine
Réalisateur(s)
Date2011
Film / TéléfilmFiction cinéma
Représentation
CatégorieXVIIIe
EpoqueXVIIIe
Générique technique
Scénario

Benoît Jacquot et Gilles Taurand, d'après le roman de Chantal Thomas (2002)

CouleurCouleur
Bande-son / Languefrançais
Société de production

GMT Productions

Générique artistique
Acteur(s)
Résumé et commentaire critique
Résumé et commentaire critique


Selon le mensuel spécialisé Première sur son site Internet (octobre 2010), Benoît Jacquot transposera au cinéma Les Adieux à la reine de Chantal Thomas. Léa Seydoux, Eva Green et Gérard Depardieu tiendront les rôles principaux.
Décembre 2010 : on annonce que Diane Kruger remplace Eve Green dans le rôle de Marie-Antoinette. Virginie Ledoyen fera partie de la distribution.

Les Adieux à la Reine ne sont pas une œuvre majeure, à strictement parler (le projet paraît doublement délimité par l’appartenance à la catégorie de l’adaptation littéraire et surtout au genre du film historique), mais le film fait preuve d’une originalité subtile. Jacquot déjoue les pièges du film historique en esquivant l’académisme qui guette l’exercice ; les êtres et les choses brillent de l’éclat dru du présent, aucune patine muséale ne vient peser sur le monde décrit. Le papier du journal de la mode que tient en ses mains Marie-Antoinette a l’éclat de l’impression du jour. Jacquot a retenu la grande leçon de Rossellini : l’histoire au cinéma ne peut s’écrire, moralement parlant, qu’au présent. C’est que la représentation est affaire de morale. Dans Les Adieux à la Reine, Louis XVI (Xavier Beauvois) est une figure tragique, parce que conscient de l’imposture de son rôle, d’une autorité symbolique qui lui pèse, Marie-Antoinette (Diane Kruger) offrant un visage différemment tragique, qui passe avec douleur du statut d’enfant à celui d’adulte, par la faille de la perte de la jeunesse. Sa passion pour sa favorite s’explique par ce sentiment de perte : ce qu’elle aime éperdument dans Madame de Polignac (Virginie Ledoyen), c’est « l’odeur de la jeunesse » comme elle le dira elle-même, bouleversée. De sa jeunesse perdue. Le lesbianisme est une fausse piste dans un film qui en compte beaucoup : Versailles est vue comme une cour des faux-semblants, une jungle où chacun jour sa partie en solitaire, sous son masque plus ou moins pitoyable (du fin Michel Robin au pathétique Jacques Nolot, tous deux admirables de déchéance).
Le thème secret de ce film en trompe-l’œil est celui du masque, du travestissement, du vêtement conçu comme instrument du mensonge. On ne s’étonnera guère que la jeune lectrice de la Reine se prenne si souvent les pieds dans sa robe : le vêtement entrave, dissimule, et renvoie à une théâtralité généralisée (d’où le personnage du faux gondolier italien, acteur donc séducteur). C’est par la théâtralité que le film évoque Renoir, forcément celui de La Règle du jeu (un marquis de La Chesnaye est cité à bon escient) puisque cette société vit ses derniers moments (les échos contemporains de cette ambiance fin de règle sont multiples). Fritz Lang se trouve en embuscade dans cette configuration (avec une scène de pendaison qui renvoie à Moonfleet, reprise des Enfants du placard) où le désir de mort, qui est l’affaire des adultes, rôde autour du désir de vie de l’enfance, incarné par Sidonie Laborde (Léa Seydoux), la jeune lectrice. Si l’adulte Marie-Antoinette a perdu sa jeunesse, l’adolescente Sidonie est en train de perdre son enfance (d’où la pendule volée, dont les aiguilles font écho à la mystérieuse canne-épée des Enfants du placard).
La construction du film est fort inhabituelle, procédant par une imprégnation progressive du présent de ces dernières journées d’Ancien Régime, au long de couloirs labyrinthiques (autre constante jacquotienne) avant de basculer d’un coup dans l’éblouissement quasi onirique de l’action finale, qui est la fuite de la Polignac. Dénudée devant la Reine, Sidonie est contrainte d’endosser la robe de l’aristocrate pour jouer son rôle le temps de sa fuite, la protégeant par ce leurre. Benoît Jacquot semble avoir mis en scène ce film principalement pour cette fin saisissante, qui touche il est vrai au cœur de son cinéma. Le vêtement est un travestissement (qu’on pense aux armures du Lancelot de Bresson), la seule vérité humaine étant de l’ordre de la peau, de la nudité. Seule la peau ne ment pas — c’était déjà l’axiome des Enfants du placard ; il autorise ici la scène troublante de Sidonie découvrant la nudité de la Polignac endormie. Il faut préciser ce qu’il en est de la question du genre sexué chez Jacquot. L’une des plus fortes étrangetés de son cinéma tient à la configuration qu’il élabore à cet égard. Son cinéma n’est réaliste qu’en profondeur, dans les projections de l’imaginaire (à la Murnau : d’où le dernier plan nosferatien de la berline s’enfonçant dans la nuit). Les personnages que Jacquot pétrit sont de nature androgyne, masculins et féminins. Comme si l’être intime (il est peu de cinéma aussi intime que celui-là ; « a-t-on déjà vu une reine partager tant d’intimité avec sa lectrice ? ») mêlait toujours masculin et féminin, animus et anima. D’où la masculinité très contemporaine des adolescentes bien féminines qui parcourent ces films — un esprit de garçon dans un corps de fille. Avec Les Adieux à la Reine, le cinéaste s’amuse à travestir en homosexualité un désir hétérosexuel.
On mesure à quel point ce cinéma vivant et rigoureux tient à la fois de l’incarnation et de l’abstraction. En cela aussi, il reste bressonien, même si Jacquot renverse le postulat du maître en optant pour l’acteur comme modèle, en s’attachant à l’énigme inépuisable du jeu, donc du comédien. Il est vrai qu’en art, l’hommage réel passe fréquemment par le détour.
[Philippe Roger]

Iconographie pour Films (6 results)

Les Adieux à la Reine
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Éditeurs : Delphine Gleizes et Denis Reynaud [UMR IHRIM]

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