« Les films nouveaux »
« Les Misérables »
Heureux temps que celui où les réalisateurs s’attaquent à l’adaptation d’un roman fleuve, faisant des films en plusieurs épisodes que l’on projette séparément ! Il faut, aujourd’hui tout voir en quatre heures d’horloge. Aucun répit pour rêver aux personnages, comme fait le lecteur, le livre refermé, entre deux chapitres. Cette longue durée de projection ressemble singulièrement à un gavage des oies comme il se pratique en Périgord.
Ou alors il fallait que, à l’image du livre lui-même, le film fît alterner les épisodes intimistes et les morceaux de bravoure, le familier et l’épique. Ce que je reprocherais surtout à M. Le Chanois, c’est une trop grande uniformité dans la manière de conter. Et pourquoi ce commentateur invisible qui se croit obligé de nous expliquer des choses parfaitement claires, d’analyser les pensées et les mouvements intérieurs des personnages ?Un geste significatif de ceux-ci nous en dit bien plus long et c’est cela le cinéma.
Il aurait fallu, pour soulever l’énorme roman, un cinéaste d’une carrure aussi puissante que celle de Jean Valjean faisant basculer la charrette qui écrasait le paysan de Montreuil-sur-mer. […]
La bataille de Waterloo, les barricades ? C’est petit, mollement animé. Il y a dans ce film un peu de gaucherie naïve des images d’Epinal. Reconnaissons que le public y sera sensible : une spectatrice tirait souvent son mouchoir.
En revanche, les acteurs ont été remarquablement dirigés. Surtout Bernard Blier (Javert) et Gabin : ce dernier, avec puissance, parvient à nous attacher de bout en bout à son personnage.
Il me semble que Bourvil n’est pas à sa place dans le rôle de Thénardier, un Thénardier sautillant et trop ricaneur. Il a trop souvent escamoté l’aspect atroce du personnage.
Pierre Mazars.
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