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TitreL'Homme qui rit, Le Figaro, 30 mars 2012
Datevendredi 30 mars 2012
SourceLe Figaro
Filmographie
Texte

L'Homme qui rit, Jean-Pierre Améris

À Prague, l'acteur tourne sous la direction de Jean-Pierre Améris dans  L'Homme qui rit , un grand mélodrame romantique.

Sur un vaste plateau des studios Barandov, créés par le grand-père de Vaclav Havel aux environs de Prague, on a répandu de la terre et de la paille, installé des roulottes de bois avec leurs petits escabeaux, repaires du cracheur de feu ou de la femme-serpent, une buvette en tonneaux, une estrade de bateleurs, quelques braseros… Saisissant décor d'un camp forain du XIXe siècle, où se mêlent la misère et le spectacle. Parmi les monstres qu'on exhibe, il y a le jeune Gwynplaine, enlevé dans son enfance par des bandits qui l'ont défiguré. Deux cicatrices prolongent sa bouche en un terrible rictus, et il est devenu une attraction de foire. Avec Déa, sa petite compagne d'infortune, aveugle, ils ont trouvé refuge auprès d'un vieux forain, Ursus. Et le soir, sur les tréteaux, ils jouent une histoire pathétique qui ressemble à la leur…

Ce sera une des scènes de L'Homme qui rit, que Jean-Pierre Améris tourne d'après le roman de Victor Hugo. Sa caméra grue plonge sur le trio formé par Gérard Depardieu (Ursus), Marc-André Grondin (Gwynplaine) et Christa Theret (Déa). Après le succès des Emotifs anonymes, Améris, qui avait réalisé jusqu'ici des films plutôt intimistes, se lance dans un mélodrame à grand spectacle, qu'il veut rajeunir en conte «un peu gothique», capable de toucher les adolescents. «Notre parti pris, raconte-t-il, a tout de suite été de faire ressortir la part adolescente, romantique de l'histoire, plutôt que la dimension politique, qui s'y trouve aussi. Gwynplaine, abandonné et défiguré, a des tourments d'adolescent: il souffre de sa laideur, se sent indigne d'être aimé, se demande quelle est sa place, qui est son père. J'ai toujours été concerné par les gens différents, marginaux, j'aimais aussi le monde forain, et le feuilleton télévisé tiré de L'Homme qui rit m'a marqué, enfant. Il m'a donné des frissons de plaisir et de peur, comme le cinéma fantastique»

«Misérables forains et riches aristocrates»

Il a voulu donner à Gwynplaine un style à la Tim Burton  cheveux noirs en pétard et œil charbonneux, qui met Marc-André Grondin très à l'aise. «J'avais un peu peur à l'idée de faire du théâtre, du mélo, du mime, parce que ce sont des formes de communication qui ne m'ont jamais tenté, dit le comédien canadien. Cet aspect contemporain, décalé, un peu grunge, me rassure. Cela permet de se réapproprier le conte.» La plupart du temps, dans le film, on verra Gwynplaine le bas du visage masqué par un foulard. Mais sur les tréteaux de bateleurs, il exhibe ses rouges cicatrices d'«homme qui rit», qui le condamneraient à rester un monstre de foire, si une duchesse (interprétée par Emmanuelle Seigner) ne s'intéressait à son charme de jeune premier abîmé.

Dès lors, Gwynplaine va être partagé entre deux femmes, la belle séductrice et son pur amour d'enfance, et entre deux mondes, celui des misérables forains où il a grandi, et celui des riches aristocrates, auquel il découvre qu'il appartient par sa naissance.

«Victor Hugo, dit Jean-Pierre Améris, prend le parti des pauvres, comme il l'a toujours fait dans ses romans et dans ses interventions politiques, et ses grandes oppositions restent très actuelles. Aujourd'hui, il serait du côté des "indignés". Dans ce film on veut le rendre proche.»

Christa Theret, longue et diaphane (on l'a vue dernièrement dans Michael et dans La Brindille), a longuement travaillé à rendre son regard sans expression, pour jouer la jeune aveugle. «J'aime beaucoup Victor Hugo, dit-elle avec conviction. Son engagement humain compte énormément pour moi.»

Pendant qu'on change la position de la caméra et qu'on règle les éclairages, Depardieu s'est installé dans son fauteuil attitré. «Parle plutôt aux jeunes, hein! Tu as parlé aux jeunes? Ce sont eux qui comptent.» Il est bien dans son rôle de père adoptif. «En fait, Ursus ne tient pas à être père, dit-il. C'est un vieux solitaire. Il aime ces enfants, mais il veut les voir libres. Au fond, c'est ce qu'un père a de mieux à faire, non?» Puis il part dans ses rêves, qui sont pleins d'auteurs et de textes, qu'il sur­vole, de nom en nom. «Est-ce qu'il y a un seul écrivain aujourd'hui qui mériterait d'être exilé? se demande-t-il soudain. Il faut avoir une plume grande et redoutable pour être exilé…»

Tout à l'heure, il fera le mariole, pour se désennuyer entre deux prises. Sur un plateau, il s'impatiente vite. Une poignée de figurants tchèques se rassemble autour du misérable théâtre, pour un plan large. Le film utilise parfois jusqu'à deux cents figurants. Sur un plateau voisin, on met la dernière main à un monumental décor de palais. Les extérieurs seront tournés en Hongrie. Avec un budget de 13 millions d'euros, L'Homme qui rit remettra somptueusement Victor Hugo à l'honneur. «Nous ne sommes pas les seuls à le retrouver, observe le producteur Édouard de Vésinne.Tom Hooper doit tourner Les Misérables, et Tim Burton projette une nouvelle version de Notre-Dame de Paris. Victor Hugo est toujours à la mode.»

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Éditeurs : Delphine Gleizes et Denis Reynaud [UMR IHRIM]

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